« Ô toi que mon cœur aime » (Ct 1,7)
« L’amour authentique est toujours contemplatif. » (Pape François)
Chers frêres et sœurs,
1. L’Année de la vie consacrée – chemin précieux et béni – a atteint son zénith, alors que les voix de consacrés et consacrées de partout dans le monde expriment la joie de la vocation et la fidélité à leur identité dans l’Église, témoignée parfois jusqu’au martyre.
Les deux lettres Réjouissez-vous et Scrutez ont ouvert un chemin de réflexion unanime, sérieux et significatif, qui a posé des questions existentielles à notre vie personnelle et d’Institut. Il convient maintenant de poursuivre notre réflexion à plusieurs voix, en fixant notre regard au cœur de notre vie de sequela.
Porter le regard au plus profond de notre vie, demander la raison de notre pêlerinage à la recherche de Dieu, interroger la dimension contemplative contemporaine, pour reconnaître le mystêre de grâce qui nous soutient, nous passionne, nous transfigure.
Le pape François nous appelle avec sollicitude à tourner le regard de notre vie sur Jésus, mais aussi à nous laisser regarder par Lui pour « redécouvrir chaque jour que nous sommes les dépositaires d’un bien qui humanise, qui aide à mener une vie nouvelle » (1). Il nous invite à entrainer le regard de notre cœur parce que « l’amour authentique est toujours contemplatif » (2). Tant la relation théologale de la personne consacrée avec le Seigneur (confessio Trinitatis), que la communion fraternelle avec ceux qui sont appelés à vivre le même charisme (signum fraternitatis), ou la mission comme épiphanie de l’amour miséricordieux de Dieu dans la communauté humaine (servitium caritatis), tout se rapporte à la recherche sans fin du visage de Dieu, à l’écoute obéissante de sa Parole, pour parvenir à la contemplation du Dieu vivant et vrai.
Les diverses formes de vie consacrée – érémitique et virginale, monastique et canoniale, conventuelle et apostolique, séculiêre et de fraternité nouvelle – boivent à la source de la contemplation, où elles se restaurent et prennent de la vigueur. Elles y rencontrent le mystêre qui les habite et trouvent la plénitude pour vivre la clé évangélique de la consécration, de la communion et de la mission.
Cette lettre – qui s’insêre dans la continuité de l’Instruction La dimension contemplative de la vie religieuse (1980), de l’Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata (1996), de la Lettre apostolique Novo millennio ineunte (2001) (a), et des Instructions Repartir du Christ (2002) et Faciem tuam, Domine, requiram (2008) (b) – vous arrive donc comme une invitation entrouverte sur le mystêre de Dieu, fondement de toute notre vie. Une invitation qui ouvre un horizon jamais atteint et jamais totalement épuisé : notre relation avec le secret du Dieu vivant, le primat de la vie dans l’Esprit, la communion d’amour avec Jésus, centre de la vie et source permanente de toute initiative (3), expérience vivante qui demande à être partagée (4). Le souhait retentit : « Pose-moi comme un sceau sur ton cœur » (Ct 8, 6).
Que l’Esprit Saint qui seul connaît et touche notre intimité, intimior intimo meo (5), nous accompagne dans le suivi, dans l’édification, dans la transformation de notre vie, pour qu’elle soit accueil et joie d’une présence qui nous habite, désirée et aimée, véritable confessio Trinitatis dans l’Église et dans la cité humaine : « Nous serons d’autant plus capables à la recevoir que notre foi en elle sera plus grande, notre espérance plus ferme, notre désir plus ardent » (6).
Le cri mystique qui reconnaît l’Aimé, « Tu es beau, comme aucun des enfants de l’homme » (Ps 44, 3), comme puissance d’amour, féconde l’Église et réunit dans la cité humaine les fragments perdus de la beauté.